Oops! 14 mars 2009 – Emile NOIROT

Emile NOIROT  1853 – 1924

NOIROT.E

Emile NOIROT est né en  1853 à Roanne, fils de Jean-Louis NOIROT, peintre-lithographe  et de Françoise JACQUES. Très vite il bénéficie, ainsi que ses deux frères, de l’enseignement paternel fait, surtout, de remarques judicieuses et de sages observations. L’influence de son père, son premier maître, est grande sur Emile.

« Combien fût féconde pour moi cette époque de formation, de révélation artistique ! Dans le terrain bien préparé allait germer la bonne semence !
« (Emile NOIROT, notice sur Jean-Louis NOIROT – 1905).

NOIROT-Louis-Le moulin de Chantoie St Maurice-Louis Noirot

Moulin de Chantoie à St Maurice
( Louis Noirot, père d’Emile )

Au printemps 1874, sur les conseils de son père, le jeune artiste fait un envoi au Salon des Artistes Français. Son fusain : « Pâturages dans le Roannais » est accepté par le jury. Après  une formation à Paris et Lyon, son mariage en 1878 avec Mathilde de HAGEMANN, une période  difficile s’installe pour le peintre qui accepte le poste de professeur de dessin de la ville de Roanne en 1881. Les pressions politiques de l’époque l’amènent à donner sa démission en  1883.

Les années terribles commencent pour le jeune peintre. Il peint sur le motif, les gorges de la Loire, le Renaison, Riorges.

Emile Noirot, par Dominique Noirot (petit fils et peintre) -1997 . IBSN 2-9512032-0-9

Remerciements à Dominique Noirot pour son autorisation. 

Emile Noirot sur le motif-l

Du néo-classicisme au mouvement impressionniste, le 19è siècle, en même temps qu’il vécut découvertes et mutations technologiques, est l’un des plus riches de l’histoire de la peinture.

Dès 1850, en particulier, les théories pleinairistes  donnent un sang neuf et vigoureux aux courants picturaux A l’école de Barbizon, les peintres s’exercent à la nature en s’éloignant des conventions académiques sclérosantes imposées par les Salons, synonymes cependant pour eux de consécration Dès lors, la peinture de paysage, détentrice des ferments de la peinture moderne, dévoile études d’après nature et pochades peintes sur le vif, reflets d’un instant de nature suspendu dans le temps Les approches artistiques du paysage se multiplient, chaque paysagiste ayant son langage historique, naturaliste, idéaliste, pittoresque ou sublime. Chacun, en outre, fait preuve d’originalité, influencé en cela par le mode de vie, le climat et les couleurs propres au terroir où il réside.
Au hasard de cette prolifération d’artistes soumis au diktat des galeries, des marchands et des antiques de Salons, il en est cependant, qui choisissent de ternir leur notoriété en quittant un climat parisien effervescent, parfois factice et provocateur.

C’est là toute une génération de peintres que nos antiques contemporains ont regroupé depuis sous l’appellation  »petits maîtres ».

Cette dernière, loin de minorer leurs productions, appréhende par là des écoles régionales riches et diversifiées auxquelles appartiennent des peintres qui œuvrèrent dans le sillage de célèbres chefs de file. Leurs peintures ont une double valeur elles restituent des villes et des sites avec précision en même temps qu’elles témoignent des couches de la société. Selon les régions elles révèlent aussi de nouveaux types de paysages, tels dans la Loire les sites Industriels et miniers.

Formé à l’école du dessin, dont Il restera toujours un fidèle défenseur, et aux théories barbizoniennes de maîtres tels Français et Daubigny, Emile Noirot, est un de ces peintres de province qui ont embrassé le paysagisme telle une religion.

Observateur attentif et sincère d’une nature qu’il maîtrise réellement, Il privilégie la composition de plein air en faisant preuve d’un sens inné de l’espace et de la lumière. Sa production picturale est souvent menée par l’idée directrice de  » l’homme ajouté à la nature« , ce que son pinceau traduit soit avec douceur ou énergie, selon qu’il choisit d’évoquer les lieux et heurs qui répondent le plus aux angoisses de l’être humain.

On lui a reproché d’utiliser une palette aux nuances froides grises et bleues, mais c’est oublier que pour ce peintre de marine, il s’agit là de tonalités fondamentales à l’évocation de la fluidité de l’air. A contrario, dans certaines de ses toiles éclatantes de lumière, il sait faire preuve d’un réel talent de luministe.

Homme éveillé à toutes les curiosités artistiques de ses contemporains, cheminant parallèlement au grand mouvement impressionniste auquel il avait choisi de ne pas adhérer, Emile Noirot, par l’abondance de son œuvre a su donner à la fin du siècle dernier une identité roannaise à la peinture de paysages et réalisé pleinement par ailleurs son rêve, celui d’être  »peintre pour peindre son pays« .

Préface de Brigitte Bouret.
Conservateur du Patrimoine Musée Joseph Déchelette – Roanne

Le « Journal de Roanne » du 1er juin 1884 relate une altercation de l’artiste :

«…. Je me grisais de la douceur des choses, de souvenirs poétiques, lorsque ma solitude fut troublée par la venue d’un individu quelque peu débraillé. Il m’interpelle : « Qu’est-ce que tu fiches là grand feignant, Qui t’a permis de venir comme ça chez moi ?- Pourtant j’étais sur un sentier longeant le béal d’un moulin dont le propriétaire m’avait donné toute latitude pour y peindre et dessiner ainsi que mes élèves. Mais il paraît qu’il n’avait aucun droit sur un pré en bordure. Ah ! tu viens tirer mes dépens. Non, vous le voyez bien, je peins le béal et les saules – Je m’en fiche de tes saules, f….moi le camp grand flandrin !

Il commence à bousculer mon chevalet, je me lève, essaye de lui faire entendre raison. Par malheur, je tourne le dos au béal ; il m’y pousse, je m’accroche à lui, je tombe pile et lui face. Alors il m’enfonce la tête dans l’eau disant : je vais te noyer. Ma foi, j’étais saisi par ce bain froid si brusque après le déjeuner de midi. Je cherchais à m’agripper des pieds, mais le fond vaseux n’offrait aucune résistance. Je me laissais donc enfoncer la tête, mais je prends mon homme par les jambes, à son tour, il barbotte. Nous en étions là, à nous saucer tous les deux comme des canards, lorsqu’un autre paysan qui fauchait de la luzerne non loin de là vint à la rescousse. Serait-ce encore à moi que celui-ci en aurait ? Pas du tout, il s’en prend à mon naufrageur, qui riposte en lui criant qu’il n’a pas le droit de passer le béal – J’ai droit jusqu’à la moitié, quand on a été à Sébastopol on se jetterait bien dans vingt pieds d’eau…..Il saute en effet ce brave ; il nous sépare et m’entraîne au moulin.

On me réconforte, on m’habille avec les frusques du meunier, un tout petit homme, par exemple d’un embonpoint appréciable et je rentre à Roanne avec un pantalon m’arrivant au mollet et le reste à l’avenant…. ».

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Sous-bois – 1886

 

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Novembre- 1888

 

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Entrée du village de VILLEREST – 1897

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Saut du Perron – 1899

NOIROT-lettre1  Extraits de la lettre d’Emile NOIROT à M. Thiollier le 11 janvier 1892

Lettre du lundi matin, Il janvier 1892. (réécrite par Dominique Noirot)

Cher Ami,

Je suis à Roanne depuis samedi soir huit heures et demi. Je n’ai pu vous serrer la main avant mon départ car j’ai eu juste le temps de sauter dans le train, Et encore ! A la gare on faisait difficulté pour enregistrer mon sac. Je suis parti samedi matin à St-Chamond un peu tard car la veille, en sortant de chez vous, je me suis souvenu que je manquais de couleurs. J’ai couru par les rues au moment oÙ tous les marchands étaient fermés. Alors j’ai remis au lendemain matin. De plus, j’ai été chez un sabotier car j’avais eu bien froid à Périgueux. Et le sabotier m’a retardé. Il ne voulait pas me donner de grands sabots, ce sabotier. En manière de compliment, il ne voulait pas convenir que j’ai au moins le pied de Charlemagne ! Puis je n’ai pas été à St-Chamond avec chapeau de charbonnier. D’un autre côté, y aller avec le chapeau que vous savez était ridicule et je voulais paraitre, auprès de votre ami Monsieur —–

comme un homme bien coiffé. Alors nouveaux stage et achat d’un chapeau d’un gris gagliardiniesque.

Enfin j’étais en séance à St-Chamond seulement vers les neuf heures et demi dix heures. Je me suis placé près du pont St-Jean. J’ai dans le tableau un morceau du fort et l’église Ste Ennemond. Je vous raconterai tout le voyage. Il me montre, une fois de plus, que je vous dois beaucoup, et beaucoup plus encore que je ne croyais. Vous avez fait que ce pauvre rapin de Roanne soit connu, apprécié, etc. Et maintenant je ne peux pas me croire à St-Chamond, perdu. On m’appelait par là, et même dans le tramway, Monsieur NOIROT gros comme le bras, photographe, peintre   en bâtiment, etc. m’ont reconnu à ma peinture là-bas.

Et on dit c’est pas du Gagliardini. Ca en a l’impression au premier abord mais vous devez être Monsieur NOIROT. Très épatant.

J’ai donc passé le dimanche des Rois en famille. Je vous assure que j’ai bien fait car le papa NOIROT a pris, hier, quelques heures de plaisir et oubli en voyant mes petits enfants : le gros Jean roi, et ma petite Zizille, ou Gilberte si vous préférez, reine.

Je rapporterai de la brioche de St Etienne et 1000 F. C’est fort joli. Je me demande si c’est bien moi ! Je vais travailler au tableau pour Monsieur MICHAUD, penser à faire quelque chose aussi pour Monsieur Ponéon et d’ici 8 jours certainement, je vous apporterai ça.

Ne m’en veuillez pas de mon brusque départ. Je connais ma pauvre petite femme et mes gamins sont terribles. Alors elle se fait une véritable terreur d’être seule à les maintenir. Figurez-vous que pendant mon absence, ils ont démonté la pendule. Je ne suis pas bien méchant non plus et ils m’ont ri au nez, et pris ma barbe quand, au retour, j’ai voulu gronder.

Je vais travailler votre dessin. Je suis assez content de St Chamond mais j’ai été peut être bien bête de me placer dans un endroit écarté. Il est vrai que je me suis perdu dans un tas de petites ruelles, et ayant de fil en aiguille trouvé la rivière, les deux rivières, Je me suis placé à leur jonction disant Monsieur Tiollier suivra la rivière. Je ne sais pas bien laquelle. Comme ça je ne le manquerai pas. J’ai eu tort de ne pas me mettre vers l’église mais ma toile était trop étroite et je vous assure que je ne pensais pas devoir vous manquer

au passage. Peut être même avez-vous été simplement retenu à St Etienne. Dans tous les cas, la journée s’est placée à travailler sans broncher, et quoique l’heure de midi se soit passée sans que je ne bronche d’une semelle, dominant la voix du ventre, j’ai attendu presque la tombée de la nuit pour lever l’ancre. J’ai donc fait une chose complète, un peu leste comme impression. Ce ne sera pas le goût de Monsieur Maignier parce que, justement, Monsieur Gagliardini fait des machins comme ça. Mais ma foi j’ai vu ça ainsi. Mais je préfère le gris dans l’ombre et j’y reviendrais, à ce motif.

J’ai idée de faire, pour l’exposition de Lyon, un coin de St Chamond. Donc à bientôt, et excusez ma longue lettre et mes façons de procéder.

Vous avez peut être descendu la rivière, et tandis que moi je me trouvais de l’avoir remontée, sans même trop savoir où J’étais, J’ai vu après, en descendant, que c’était mieux plus bas. Mais d’ailleurs voici le motif.

Mais l’église St Pierre est mieux et j’irai avec une toile de 1 m la faire pour l’exposition de Lyon.

Je vous serre bien affectueusement les mains et présente mes meilleurs sentiments à votre famille, etc.

Source :Dominique Noirot, petit-fils du peintre, que je remercie de son amabilité .

1900 est l’année de l’Exposition Universelle de Paris. Pour décorer le haut du grand escalier donnant    accès à son stand d’exposition, la Chambre de Commerce de Roanne, associée au Syndicat des fabricants participant à cette manifestation, demande à Emile NOIROT de composer un grand panneau.

La Revue forézienne se souvient, non sans humour, de leur démarche : «….Ils s’en furent donc trouver le maître et, des trémolos dans la voix, lui contèrent combien grande est la tristesse des malheureux éloignés du pays, sombre leur désespérance. Les Roannais sont éloquents et les artistes sont bons. NOIROT se recueillit puis, souriant dans sa barbe d’apôtre, leur dit:

Messieurs, j’ai une idée : puisque vos exilés ne peuvent aller à la montagne, pourquoi la montagne n’irait-elle pas à eux ? Que pensez-vous d’une page où Roanne, discrètement, ainsi qu’ il sied à une fille de bonne maison, montrerait aux yeux charmés quelque peu de sa grâce et de sa beauté, où, du fouillis de ses maisons, les cheminées des usines, semblables aux flèches des cathédrales, émergeraient dressant au ciel leurs têtes panachées dans une commune prière de travail et d’activité. Où,  .. enfin bref il parla..«

C’était rude besogne assurément pour le peintre que vouloir mettre de l’art dans une vue panoramique, fut-ce celle de notre Cité !

NOIROT-groschene

Roanne vue du Gros chêne – 1900

NOIROT-Le matin - Villerest-1903

Un matin à Villerest – 1903

NOIROT-Mon rosier Villerest-1906-l

Mon rosier à Villerest- 1906

Noirot-Mont Saint-Michel - 1896 (Salon des Artistes français 1896)

Mont Saint Michel – 1906

 

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